TRAVAIL, RÉGLEMENTATION - SANTÉ ET SÉCURITÉ
Cassation partielle
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- Sommaire 1
Le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut être admis à agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de ce dernier, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.
. Sommaire 2
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Viole ainsi les textes susvisés, la cour d’appel qui refuse d’examiner les éléments de preuve des mesures que l’employeur prétendait avoir mises en oeuvre.
. Sommaire 3
Viole les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, ensemble l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la cour d’appel qui, pour allouer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d’anxiété, se détermine par des motifs généraux, sans caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié, résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.
Demandeur(s) : Société EDF
Défendeur(s) : M. A... X...
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été employé par la société Electricité de France (la société) en qualité de rondier, chaudronnier et technicien, au sein de la centrale de Saint-Ouen ; qu’estimant avoir été exposé à l’inhalation de fibres d’amiante durant son activité professionnelle, il a saisi, le 11 juin 2013, la juridiction prud’homale afin d’obtenir des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété et pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire M. X... recevable en sa demande et de la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété, alors, selon le moyen, que la réparation du préjudice d’anxiété n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l’arrêté ministériel ; qu’ils ne peuvent demander cette réparation qu’à l’encontre de leur employeur, et dans la mesure où celui-ci entre lui-même dans les prévisions de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu’il résulte des constatations des arrêts attaqués que la société ne figure pas dans la liste des établissements visés par ce texte et que les salariés n’avaient pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, en sorte qu’ils ne pouvaient prétendre à l’indemnisation par la société d’un préjudice moral au titre de leur exposition à l’amiante, y compris sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ; que la cour d’appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Mais attendu que l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d’activité (ACAATA), sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle ; que, par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241, Bull. n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d’obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété tenant à l’inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante ; que la chambre sociale a instauré au bénéfice des salariés éligibles à l’ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l’amiante, de la faute de l’employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété réparait l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence ;
Qu’elle a néanmoins affirmé que la réparation du préjudice d’anxiété ne pouvait être admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 susmentionné et l’arrêté ministériel pris sur son fondement et dont l’employeur entrait lui-même dans les prévisions de ce texte, de sorte que le salarié qui n’avait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ne pouvait prétendre à l’indemnisation d’un préjudice moral au titre de son exposition à l’amiante, y compris sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Soc., 26 avril 2017, n° 15-19.037, Bull. n° 71) ;
Qu’il apparaît toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l’employeur n’est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé ;
Que dans ces circonstances, il y a lieu d’admettre, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige ;
Attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés ;
Attendu que, pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété, l’arrêt retient que le demandeur justifie par les pièces qu’il produit, d’une exposition au risque d’inhalation de poussières d’amiante et que, l’exposition du salarié à l’amiante étant acquise, le manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat se trouve, par là même, établi, et sa responsabilité engagée, au titre des conséquences dommageables que le salarié invoque du fait de cette inhalation, sans que la société puisse être admise à s’exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu’elle prétend avoir mises en oeuvre ;
Qu’en statuant ainsi, en refusant d’examiner les éléments de preuve des mesures que la société prétendait avoir mises en oeuvre, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour condamner la société à payer au salarié une indemnité en réparation de son préjudice d’anxiété, l’arrêt retient que ce préjudice résultant de l’inquiétude permanente, éprouvée face au risque de déclaration à tout moment de l’une des maladies mortelles liées à l’inhalation de fibres d’amiante, revêt comme tout préjudice moral un caractère intangible et personnel, voire subjectif ;
Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser le préjudice d’anxiété personnellement subi par M. X... et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l’arrêt rendu le 29 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris.